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Nimittas, signes et symboles de l’Inde

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Du rêve au langage en passant par les animaux, les chiffres, les événements célestes ou encore les geste, les symboles nous entourent et nous inspirent, des Amériques, à l’Europe en passant bien entendu par l’Inde. Nimitta, en Sanskrit peut se traduire par cible, raison, cause ou encore signe, présage. Annonciateurs de bon augure ou au contraire, signes avant-coureurs d’une catastrophe, les nimittas ont grandement été étudiés au cours des siècles, et particulièrement en Inde.

Avant toute chose, il est bon de rappeler que le présage n’est pas superstition. Il n’est basé ni sur la peur, ni sur l’aversion ou l’ignorance. Pratiquer l’interprétation des signes demande à l’individu de cultiver l’équanimité, d’éliminer la peur afin de développer une vision et une compréhension plus large de la vie.

Intrinsèquement lié à nos environnements familiaux, culturels et sociétaux, les nimittas sont profondément inscrits dans toutes les cultures du monde dont l’hindouisme. Cette note est importante à prendre en considération, en particulier lorsque nous regardons les auspices indiens avec un regard occidental.

La science des nimittas relève généralement des brahmans et sert particulièrement les astrologues, notamment dans leurs prédictions. Il est courant pour un jyotiṣa d’analyser son environnement et d’y interpréter des signes. 

« Lorsqu’un astrologue part vers la maison de la personne dont le futur doit être lu, il doit se souvenir de toutes les indications inquiétantes qu’il a noté lorsque le plaignant c’est approché de lui. » (Stanza 1, The Astrologer’s Depature, Praśna Mārga)

Interprétation classique des signes

Les présages sont classés selon 7 propriétés : les éléments (air (vāyu), eau (jala), feu (agni), terre (pṛthvī), espace (ākāśa)), la nature (mâle ou femelle), la nuit ou le jourle chaud ou le froid, l’énergie solaire ou lunaire, selon le placement des astres (planètes ou grahas ainsi que les nakṣatras ou maisons lunaires), les aspects positifs ou négatifs. Concernant ces derniers, nous interpréterons ce qui est positif comme permettant l’accomplissement de nos objectifs.

Le Praśna Mārga (Stanza 157-158, Omens or Tatkāla Lakṣaṇa) explique ceci : « … Cela devrait être pris pour garanti que les choses ou les signes qui nous aident à atteindre nos objectifs sont bons et toutes les choses qui sont in auspicieuses indiquent le résultat contraire. »

Conditions pour un présage 

Aucune interprétation correcte ne peut être réalisée sans avoir préalablement développé une conscience aiguë du monde du subtile, au travers des mantras, de la méditation, de l’étude des śāstra mais aussi de ses propres expériences intérieures. 

Une guidance ne peut être offerte, que si et seulement si, une demande a été formulée. Le Praśna Mārga stipule qu’aucune prédiction ne devrait être faite si elle n’a pas été demandée, ou si elle vise à « tester l’astrologue ». Dans ces conditions, l’astrologue ne sera pas capable de donner une prévision juste.

Un présage se fait souvent avant: une lecture astrologique, qui peut être un thème natal (jātaka), une révolution solaire ou varshaphala et une interprétation des transits planétaires (gochara) ou d’une nouvelle période de vie (daśā), l’entrée dans une maison, un voyage, une question.

Quelques présages classiques

Il existe des présages très détaillés. En voici deux exemples, dans le Bṛhat-Samhitā : 

« Les Dieux, les Démons et les Hommes résident respectivement dans la racine, le milieu et la fin de la trompe de l’éléphant. Les effets des signes connectés avec ces parties seront de ce fait grands, modérés ou faibles, et ils passeront respectivement rapidement, après une petite période de temps ou après un long moment. » (chapitre 94)

« Si un ou plusieurs chiens aboient vers le soleil au milieu du village, il y aura un changement de dirigeant. » (chapitre 89) 

Mais certaines symboliques peuvent être plus générales . Un aigle représentera le soin, la vision, la création. La chouette symbolisera la magie mais aussi la prospérité (véhicule de Lakṣmī).

Le perroquet, véhicule de Kâmadeva, sera interprété comme un signe de plaisir et de sensualité.

Le corbeau, véhicule de Śani (planète Saturne) sera le messager du dharma, des ancêtres et du passé.

Se gratter la main gauche s’associera aux dépenses. La main droite aux gains.

Eternuer deux fois ou pendant le repas est de mauvais augure. 

Concernant les présages liés aux animaux et aux astres :

Les animaux solaires se déplaçant de droite à gauche sont auspicieux (lions, tigres, chiens, ours) ; les animaux dit lunaires (chats, souris, pigeons, biches, corbeaux) sont plus favorables s’ils se déplacent de gauche à droite.

Les animaux mais aussi les chiffres peuvent être associés aux planètes du systèmes solaires (grahas) ainsi qu’aux constellations (nakṣatras). Le nombre d’animaux observés et la spécificité des espèces peut s’interpréter comme des messages. Par exemple , il est dit que la répétition de 3 signes est très signifiante, le chiffre 3 étant directement associé à Jupiter ou guru, planète de l’abondance et du savoir. Les biches sont associées à mṛgaśīrṣā, les ours à maghā.

Les planètes, leurs véhicules, direction, chiffre, couleurs et animaux reliés :

Soleil – Cheval, Est, 1, safran ou rouge sombre, carnivores comme les lions, tigres,

Lune – Biche, Nord-Ouest, 2, blanc, rongeurs,

Jupiter – Eléphant, Nord-Est, 3, jaune ou doré, pigeons, chevaux,

Rahu – Lion, 4, multicolore insectes, reptiles, serpents,

Mercure – Lion, Nord, 5, vert, tortues, colibris, oiseaux,

Vénus – Cheval blanc, Sud-Est, 6, blanc ou rose, canards, cygnes, chevaux blancs,

Ketu – Serpent, Sud-Ouest, 7, noire ou gris fumé, serpents et chiens errants,

Saturne – Bœuf, Ouest, 8, bleu foncé, violet, noir, fourmis, corbeaux, 

Mars- Bélier, Sud, 9, rouge clair, loups et chiens

Les nimittas peuvent jusqu’ici sembler davantage attachés au monde visuel, mais ils sont tout aussi sensitifs (liés au touché) et auditifs. 

En sanskrit, les sonorités gutturales (ka, kha, ga, gha, ṅa) représenteront l’énergie guerrière de Mars. A l’inverse, les semivoyelles, sibilantes et aspirantes seront associées à la douceur maternelle de la Lune : ya, ra, la, va, wa | sa, śa, ṣa | ha.

Soleil – Voyelles : a, ā, i, ī, u, ū, e, o, au, ai, ḷ, ṛ, /ṝ

Jupiter – Dentales – ta, tha, da, dha, na

Mercure – Cérébrales – ṭa, ṭha, ḍa, ḍha, ṇa

Vénus – Palatales – ca, cha, ja, jha, ña

Saturne – Labiales – pa, pha, ba, bha, ma

Le ton utilisé sera aussi significatif. Une voix douce et charmante rappellera les qualités de Vénus ; contrôlée et sérieuse celle de Saturne. 

Les Stanza 109-110 du Praśna Mārga décrivent ainsi : « Si les mots du questionneur sont plaisants aux oreilles, auspicieux, cohérents et expressifs, cela prédit le succès, autrement non. […] De plus, cherchez l’ascendant de la première lettre prononcée par le demandeur et ensuite prédisez le résultat, bon ou mauvais selon le cas. »

Swara, présage par le souffle

Une particularité de nimitta est qu’elle implique intrinsèquement la science du souffle ou swara. L’étude de la respiration au travers des narines gauche et droite détermine dans un premier temps, ce que peut expérimenter la personne réalisant un présage ; et dans un second temps, elle donnera des indications sur celui qui se questionne ainsi que sur sa situation.

« Chaque jour, l’astrologue doit examiner sa respiration tôt le matin. Il doit diagnostiquer par quel nāḍī elle passe […]. Si la respiration passe visiblement au travers de la narine gauche le Lundi, Mercredi, Jeudi et Vendredi, cela est favorable. Si elle passe au travers de la narine droite le Dimanche Mardi et Samedi, c’est aussi favorable. Mais si elle passe au travers de la narine droite le jour de planètes bénéfiques et au travers de la narine gauche les jours de planètes maléfiques, les effets seront contraires. Des évènements signifiants peuvent être anticipés par l’étude de la respiration au travers des narines. » (Stanza 28-29, Examination of Breath, Praśna Mārga) 

Les signes et présages sont bien plus que de simples superstitions. La croyance en ces nimittas découle d’une profonde étude de la nature, de ce qui la compose mais aussi et surtout de l’expérience qu’il en est fait au niveau individuel de l’être. Ces messages, aujourd’hui anciens, peuvent prendre de nouvelles formes au travers de notre monde moderne et technologique (emails, téléphone, klaxon de voiture, sirènes d’ambulance etc.). Il va de soi que nos biais culturels doivent être pris en considération afin d’expérimenter les nimittas comme une science à part entière et non comme une croyance superstitieuse. 


Sources :

Praśna Mārga 

Bṛhat-Samhitā

James Kelleher – Nimitta – the science of omens 

Learnsanskrit

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