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Les peintures tantriques – un mode de vie au Mithila 

Fig 1- Yantra, Batohi Jha, Pigments sur papier,
1980, Photo propriété OP Roy
Fig 2- Purain, Batohi Jha,
Pigment sur papier, 1980,
Photo propriété OP Roy
Fig 3- Ardhnareshwar – Kundalini Jagaran,
Manisha Jha, 2020
Acrylique sur toile

Les représentations  de l’Inde se caractérisent par une immense diversité, dans les formes, les couleurs et les expressions, et dans les émotions que convoque leur multiplicité. Elles imprègnent le tissu socioculturel de tout le sous-continent. Cette multiplicité constitue l’identité culturelle indienne même. Une multiplicité physique, religieuse et ethnique autant que  linguistique. C’est dans cette immense diversité que se trouve la continuité de la civilisation et de la structure sociale indiennes, des origines jusqu’à nos jours.

La continuité dans la tradition a formé la base de l’art populaire, comme celle du folklore avant elle. L’artisanat n’était pas enseigné à l’artiste. C’était un héritage assimilé naturellement, tels les contes de lenfance. En conservant des motifs familiers et des formes pragmatiques, avec peu ou pratiquement aucun changement dans les techniques d’exécution, l’artisan se concentrait sur  la narration d’histoires, chaque histoire recevant un rebondissement particulier selon le  narrateur. La forme artistique, elle, a évolué tout en conservant sa base traditionnelle. On peut présumer que les arts ruraux traditionnels en Inde étaient stimulés par un but fonctionnel et des connotations ritualistes, ainsi que par la créativité individuelle et un désir récréatif irrépressible.

Le Mithila était un grand et puissant royaume ancien dans ce qui est maintenant le nord-est de l’Inde et la région sud du Népal. Avec l’une des capitales les plus puissantes de l’est de l’Inde, la région est une vaste plaine qui s’étend au nord, vers les régions du Taraï bordant le Népal, et au sud, caressant les rives du Gange et s’étendant à l’ouest vers le Bengale.

Les femmes de cette région pratiquent cet art populaire depuis des siècles, principalement pour consacrer l’espace domestiques, sous la forme de rituels. Elles composaient des peintures murales élaborées, appelées Bhitti-chitra (voir fig 2) sur leurs maisons en torchis , ou des peintures sur le sol, les Aripan

Ces peintures ont été transmises d’une génération à l’autre sans aucune formation officielle, mais naturellement, en tant qu’activité quotidienne et routinière. Cet art est le plus grand exemple de vie communautaire : tout le groupe des femmes  participait à l’écriture du Kohbar Ghar  dans la aangna, la cour et dans la chambre nuptiale (figure 1), et du Gosain Ghar dans la salle de divinité familiale (figure 3).

Bien qu’elles pratiquent cette forme d’art depuis des siècles, ce n’est qu’au cours des trois ou quatre dernières décennies que ces femmes ont été reconnues en tant qu’artistes. L’évolution de la peinture de Madhubani est directement liée à la visibilité acquise par les femmes artistes au cours de leurs voyages depuis leurs jardins confinés ou  anganas (figure 4), jusqu’aux galeries et musées du monde entier.

Un voyage singulier a commencé après que le tremblement de terre du Bihar de 1934 ait entraîné une grave crise alimentaire ainsi qu’un effondrement des habitations dans la région. Pour améliorer les conditions économiques de la population locale, le gouvernement, après avoir découvert ce style de peinture propre à la région, a invité des femmes de la région à transférer leurs peintures murales sur du papier  : les peintures pourraient ainsi être vendues par l’intermédiaire d’agences gouvernementales. Ces dernières se sont alors mise à distribuer du papier aux villageoises et ainsi, les peintures murales de gosainghar, bhagwatighar et tulsi chauraha furent découvertes par le monde extérieur. C’est à ce moment-là qu’a commencé leur voyage vers une nouvelle dimension artistique. Cependant, comme la plupart des formes d’art traditionnelles, la majorité de leur production est restée anonyme pendant de nombreuses années, peu d’entre elles osant mettre leurs signatures sur leurs travaux.

À la fin des années 1960 et 1970, avec l’essor de la vente de peintures sur papier, les femmes ont commencé à gagner des revenus auparavant inimaginables. Dans de nombreux cas, elles ont pu conserver leurs revenus et les utiliser pour la scolarisation de leurs filles, ainsi que pour améliorer l’alimentation et l’habillement, pour les enfants ou elles-mêmes. Pour beaucoup, c’était une expérience d’empouvoirement. Et au moins dans certains cas, les familles de jeunes femmes peintres talentueuses n’avaient plus à payer la dot lors du mariage. Des artistes reconnues étaient également invitées à se rendre à des foires et des expositions dans d’autres régions d’Inde, ainsi qu’à l’international, comme au Japon, en Europe, aux États-Unis et en Russie. Elles voyageaient généralement avec un fils ou un mari pour les aider. Le succès dans la peinture signifiait à la fois de nouveaux revenus et un meilleur statut social – localement, nationalement et internationalement – ainsi qu’une plus grande mobilité.

Cet article examine l’influence du Tantra sur les peintures du Mithila en tant qu’art rituel, sous forme de peintures sur mur, sur papier, sur des objets rituels et sous la forme de peintures au sol connues sous le nom Aripan  . L’ancienne tradition de la peinture exprime la philosophie du Tantra, qui met l’accent sur l’équilibre entre les aspects spirituels et matériels du monde. L’utilisation des symboles tantriques, la célébration des désirs corporels, la reconnaissance des aspects matériels et la glorification du pouvoir féminin en tant que source primitive dans les peintures montrent l’influence du Tantra dans la société, l’art et la culture Maithili – Mithila. Celle-ci observe les pratiques et rituels religieux hindous, d’une part, et développe sa propre foi, ses croyances et ses systèmes de valeurs, d’autre part, qui tendent parfois à contraster avec les pratiques religieuses du sous-continent indien. Au Mithila, qui est une communauté hindoue, les peintures ont toutes en commun de respecter la tradition tantrique de vénéreration de  Śakti.  Les femmes du Mithila, lorsqu’elles peignent au fil sur mur, sur sol et sur différents objets lors de festivals, mariages et autres cérémonies,  démontrent un lien direct entre les humains, la nature et la culture. Les peintures des dieux, des déesses  et des yantras réalisées  par ces femmes  et par les hommes brahmanes Maithil, particulièrement ceux du village de Hari Nagar, sont des références tantriques.

Reconnaissance en tant que forme d’art

Fig 4- Aripan, Pigments sur papier népalais, artiste inconnu, 1970,
Collection : Manisha Jha

La forme d’art Madhubani/ Maithili a parcouru un long chemin depuis ses origines. Un tournant  s’est produit en 1934, lorsque William et Mildred Archer, à travers des photographies achetées à l’attention des collectionneurs d’art, des chercheurs et des agences gouvernementales, ont découvert les peintures murales. Entre les années 1950 et 1970, la première ministre Indira Gandhi a promu cette forme d’art de manière importante, et encouragé personnellement les artistes en commandant leurs œuvres pour la résidence officielle du Premier  Ministre. Au cours des mêmes années, Bhasker Kulkarni et Upendra Maharathi ont réussi à convaincre certains des artistes de peindre sur papier et de voyager à travers le pays pour faire connaître cette forme d’art. À ce stade, Pupul Jaykar, président du conseil des métiers d’art et de l’artisanat, a également contribué de manière significative en attribuant des œuvres commandées aux artistes de Delhi.

Dans les années 1970 et 1980, des chercheurs comme Erica Moser et Yves Veyquaud ont influencé le style de peinture goidana (tatouage). D’autres comme Raymond et Naomi Owens ont acheté un grand nombre de peintures et les ont vendues à travers le monde ; ils ont également encouragé les artistes à développer un style narratif.

Des matériaux tels que le papier et les couleurs ont été fournis gratuitement à ces artistes et les œuvres ainsi obtenues ont été vendues par l’intermédiaire de magasins d’artisanat gouvernementaux dans tout le pays. En conséquence, ces œuvres sont devenues célèbres sous le nom de «  Peintures de Madhubani  ». Les femmes de la région peignent encore sur les murs et les sols de leurs maisons mais presque tous les artistes de nos jours, parfois aussi les hommes, peignent sur du papier permettant à leur art d’être vendu dans le monde entier.

La libération par l’art 

Fig 5- Vue de l’Aangana ou cour intérieure, qui est un espace polyvalent, réservé exclusivement aux femmes.
Village Bhojpandaul, Madhubani Dist. Bihar.

Le Mithila était une société très conservatrice, où les femmes ne sortaient jamais de leur aangna   (cour). Il y avait une délimitation très claire des activités intérieures et extérieures effectuées par les membres masculins et féminins de la famille. En particulier, les femmes de la caste supérieure des brahmanes et kayastha ( considérée comme la caste des écrivains, des scribes*) ne pouvaient jamais aller au haat  (marché) du village. La société était beaucoup plus libérale pour les femmes dalits (les intouchables) peut-être parce qu’elles n’avaient pas d’autre choix que de travailler dans les champs et d’effectuer des travaux ménagers dans de grandes familles.

Dans des conditions sociales aussi difficiles, cinq femmes artistes des villages de Jitwarpur, Ranti et Raseedpur se sont présentées pour travailler sur du papier donné par Bhaskar Kulkarni. Ces femmes courageuses se nomment Sita Devi, Jagdumba Devi, Mahasundari Devi, Jamuna Devi et Palti Devi. Suivant leur exemple, Godavri Dutt et Baua Devi les ont rejoints. Même aujourd’hui, quand je m’assois sous un arbre dans mon village, cela me donne la chair de poule en pensant au parcours de cet art et des artistes, car le Mithila est encore une société très conservatrice.

Fig 6- Maharaas, Acrylique sur toile, 8’ x 8’ par Manisha Jha, 2010

Les artistes du Mithila peignaient sur des thèmes communs, cependant les préférences différaient selon la caste. Selon le style (ou la technique) et la communauté, les trois écoles différentes de peintures de Madhubani peuvent être classées en trois types. Il y a tout d’abord les peintures en couleur réalisées par la communauté brahmane et connues sous le nom de peinture Bharni. Viennent ensuite les peintures en ligne réalisées en monochrome et en deux couleurs (rouge, vert ou bleu) par les femmes de la communauté Kayastha. Ces peintures sont connues sous le nom de peintures Katchni. Enfin, les œuvres d’art réalisées par des femmes de la communauté Dusadh étaient populairement connues sous le nom de style Goidana Tattoo.

Fig 7- Kali, Acrylique sur papier fait à la main, 22” x 30” par Manisha Jha, 2008

Ces oeuvres peuvent être soit des peintures sur mur appelées Bhitichitra, soit des peintures sur sol appelées Aripan, ou des objets utilitaires qui servent dans des rituels comme   Kalash  , ou encore des éléphants en terre cuite, des oiseaux, des pots connus sous le nom de Purhar-patil et des peintures basées sur des dieux et des déesses.

Fig 8- Lotus Pond, Acrylique sur toile, 4’ x 3’ par BandanaJha, 2010

Les peintures Bharni

Sita Devi, de la caste des brahmanes Mahapatra, a été la pionnière dans le développement de la peinture de style Bharni. Le style de peinture brahmane fait un usage abondant d’une riche palette de couleurs. L’accès des membres de cette haute caste à la littérature sacrée hindoue comme le Rāmāyaṇa et le Mahābhārata les a énormément aidées à dépeindre les riches iconographie et mythologie hindoues. Tous les artistes de cette époque pouvaient réciter oralement toute l’épopée. Ce style est localement connu sous le nom de Bharni, qui signifie « remplissage ». Il  est audacieux et coloré, avec un riche travail de lignes autour des formes colorées. L’accès des peintres brahmanes aux  thèmes sacrés  hindoue leur a permis de développer très facilement des formes et des sujets. Les sujets communs étaient Viṣṇu , Kālī (Fig 7) Durgā , Śrī Kṛṣṇa et tous les dieux et déesses.

Fig 9- Sita Devi présentant une peinture représentant Durga à l’ancienne Première ministre Mme Indira Gandhi en 1969.
Photo propriété Times of India

Sita Devi est originaire du village de Jitwarpur, dans le district de Madhubani. En plus de dessiner des peintures traditionnelles de Kohbar, elle a peint des scènes de la nature, comme par exemple un lion dans la jungle, qui est actuellement dans la collection du Craft Museum à New Delhi. Sita Devi a été invitée à peindre les murs du bureau du Premier Ministre Indira Gandhi à New Delhi. Elle n’était pas seulement reconnue nationalement ; elle a beaucoup voyagé en Europe et en Amérique et a présenté ses œuvres lors de diverses foires culturelles et expositions. Après avoir vu le succès de Sita Devi, beaucoup d’autres femmes de la caste des brahmanes Mahapatra de Jitwarpur et des villages voisins ont osé présenter leur art. Parmi elles, Baua Devi a hérité de son style calme et sans faille. Elle est également l’une des peintres les plus dynamiques de l’histoire de l’art du  Mithila, connue pour avoir peint beaucoup de serpents. Ses œuvres sont exposées dans de nombreux musées prestigieux du monde entier.

Style de peinture Kayastha Katchni

Fig 10- Anant Basuki, Acrylique sur papier fait à la main, par Godavari Dutt, 2006, Collection Manisha Jha

Au début, lorsque les peintures de Mithila étaient réalisées sur papier, seules quelques femmes brahmanes en profitaient pour pratiquer cette forme d’art. Cependant, après deux ans, des femmes de la communauté Kayastha, attirées par le nom, la renommée et l’argent lié au monde de l’art, ont proposé un nouveau style. Les femmes de la communauté Kayastha ont commencé à travailler sur des peintures en ligne. 

La caractéristique unique de la tradition Kayastha était l’utilisation du monochrome ou de deux couleurs seulement. Localement, ces peintures étaient connues sous le nom de peintures en ligne. Ces peintures sont devenues célèbres sous le nom de peintures de Katchni.  Les formes dessinées étaient remplies avec différents types d’enduit au lieu d’être remplies par des couleurs. 

La pionnière de ce style de peinture était Ganga Devi, du village de Raseedpur dans le district de Madhubani. Ce style de peinture a évolué davantage dans le village de Ranti du district de Madhubani. Les  sujets étant plus ou moins les mêmes, la différence résidait dans la façon dont l’ensemble du papier était recouvert par différents types de lignes. 

Peinture de tatouage de la communauté Dusadh 

Fig 11- Raja Sailesh, Couleurs naturelles sur papier fait à la main, 22” x 30” par Chano Devi, 2002,
Collection Manisha Jha
Fig 12- Goidana, Couleurs naturelles sur papier fait à la main, 22” x 22” , par Chano Devi, 1999,
Collection Manisha Jha
Fig 13- Tree of Life, Acrylique sur toile, 4’x 6’-6”, par Urmila Devi Paswan, 2014,
Collection Manisha Jha

Le succès des femmes peintres brahmanes et kayastha a inspiré les femmes de caste inférieure à peindre. La plupart des Dusadh étant sans terre, ils ont survécu grâce au service qu’ils rendaient à la caste supérieure. Les peintures dalits ont évolué en raison du désir ardent des femmes de cette caste de faire quelque chose pour augmenter les revenus de leur ménage. Après avoir remarqué le succès des femmes de caste supérieure, et lors des initiations d’étrangers tels que Bhasker Kulkarni et l’anthropologue allemande Erica Moser, les femmes dalits ont commencé à peindre sur papier. Jamuna Devi, de la communauté Chamar du village de Jitwarpur a été la première femme dalit à entrer dans le secteur de la peinture commercialisée. Elle était pionnière du tatouage ou des peintures de Goidana. 

Ces peintures ont pris forme en s’inspirant des tatouages corporels, car contrairement à la caste supérieure, ils n’étaient pas connaisseurs de la cosmologie hindoue. Une autre raison de leur inspiration des tatouages pourrait être la crainte de la caste supérieure. Ils ont commencé aussi à puiser dans leur folklore vibrant, raconté à travers des légendes, des chansons et des rituels associés au Soleil, à la Lune et à leur héros culturel légendaire, Raja Sailesh.

Culte de la déesse à Mithila et les sujets peints sur le mur, le papier, les objets et le sol

Fig 14- Kuldevi, Village Bhojpandaul, Madhubani District, Bihar, 2007,
Photo Manisha Jha

Fig 15- Gram Devta Sthan, le temple du village, Bhojpandaul, Madhubani District, Bihar, 2007
Photo Manisha Jha

Le Mithila est une région où l’on vénère les déesses. Elles sont vénérées tout au long de l’année sous différentes formes, lors de festivals tels que Durgā Pooja, Kālī pooja, Lakṣmī Pooja, Chath Pooja, Shashti pooja, ou encore le sixième jour après la naissance d’un enfant. Les femmes ont perpétué les représentations symboliques de la déesse et des déesses à travers des rituels. Les prêtres brahmanes Maithil ont commencé à peindre Durga Shapt shati avec le mantra yantra, qui est devenu célèbre sous le nom de peintures tantriques Mithila. 

À Mithila, le culte de la déesse est un mode de vie où les déesses sont vénérées à la maison sous le nom de « Kuldevi », dans les villages sous le nom de « Gram Devta Sthan » et dans les groupes de villages dans les temples. Les femmes invoquent quotidiennement la déesse sous la forme d’Aripan (peinture au sol) et de Kohbar, les peintures réalisées lors des cérémonies de mariage. 

Fig 16- Peinture d’un Aripan, Pour la cérémonie du cordon, avec de la pâte de riz, sur un sol en terre battue
2009
Photo Manisha Jha

Les dessins au sol représentent des images symboliques telles que des fleurs de lotus, des yantras, des temples, des points, des lignes, etc. Ces images représentent la fertilité et la propagation de la vie. Chaque objet de la peinture a sa propre signification, car il véhicule de nombreuses significations dans le contexte de la société du Mithila. Cet art, influencé par la philosophie du tantra, accorde une valeur égale aux réalités physiques et intérieures. La variété des formes, des couleurs, des motifs graphiques et des symboles utilisés  comble le fossé entre le monde matériel et le monde spirituel, et permet aux artistes d’évoquer la conscience cosmique pour les spectateurs.

La peinture du Mithila est un art védique

Le Tantra est Kriyā, prières et Sādhana

Bala Dutta

Le Tantra est un aspect fascinant de notre société. Au cœur du Tantra se trouve l’idée du pouvoir divin (Śakti), qui se manifeste de diverses manières, notamment sous la forme mystérieuse de la kuṇḍalinī Śakti. La philosophie et la pratique tantriques unifient les concepts de yantra, mandala, mantra, chakra, kuṇḍalinī et divinités, ainsi que les pratiques rituelles et méditatives.

Fig 17- Getting Married to the tree, Acrylique sur toile, 3’x3’, 2005,
Manisha Jha « Śakti est Prakṛti »

Le culte des déesses au Mithila

Les femmes sont les praticiennes et les détentrices de tout le savoir secret, qui se transmet oralement de génération en génération. Au Mithila, toutes les divinités sont invoquées et adorées au travers de rituels. Chaque festival, mariage ou cérémonie du cordon sacré est accompagné de rituels, où des objets (fabriqués en argile), des peintures, des chants et des hymnes font partie de l’invocation de la déesse divine. Au Mithila, on croit que « Śakti est Prakṛti », c’est-à-dire que le culte de la nature est la partie la plus impartiale. Lors des mariages, tout d’abord la mariée se marie avec l’arbre, elle se marie avec le « manguier », car on croit que l’arbre prend toutes les mauvaises influences, et qu’ainsi le couple vivra heureux pour toujours.

Fig 18- Kohbar, Bimala Dutta, Pigment sur papier fait à la main, 2005,
Collection Madhubani Art Centre

Le sujet le plus important de la peinture du Mithila est la peinture kohbar. Il s’agit d’une peinture réalisée sur le mur Est du Kohbar Ghar (le Kohbar Ghar est la pièce dans laquelle se déroulent tous les rituels du mariage). Cette peinture est également une peinture tantrique réalisée par les femmes du Mithila, car elle est censée avoir des pouvoirs magiques qui protègent les mariés du mauvais œil. L’un des motifs les plus importants de la peinture Kobhar est le Purain ou feuilles de lotus (qui est également une représentation symbolique de la déesse). Les feuilles de lotus se multiplient très rapidement, c’est pourquoi nous disons que se multiplie ainsi notre santé, notre richesse et notre succès. La tortue est une représentation symbolique du dieu Viṣṇu. Le soleil, la lune et les neuf planètes font partie du cosmos, tout comme les poissons, les perroquets et les patia, deux types de bambous, Śiva et Śakti, Naina-Jogin (symbole de Kamakhya).

Fig 19- Naina Jogin, Manisha Jha, Acrylique sur papier, 2007,
Collection Madhubani Art Centre

Śiva et Śakti sont la source principale du Tantra. Ardhanārīśvara (la forme de Śiva dont la partie gauche du corps est Pārvatī ) est l’un des principaux sujets de la peinture du Mithila, car Shiv Parivar (la famille de Śiva) est la seule famille complète parmi les dieu. Ainsi est-elle  représentée dans la peinture Kohbar.

Fig 20- Ardhnareshwar, Manisha Jha, Acrylique sur toile, 2015,
Collection Madhubani Art Centre

Aripan, les peintures au sol

Les peintures au sol réalisées lors des festivals, des mariages et autres célébrations portent différents noms à travers le pays. Elles sont communément appelées rangoli, alepna, mandana et aripan au Bihar. Aripan est un yantra, dessiné au sol par les femmes lors de différents festivals et mariages. Au Mithila, il existe des aripans/yantras au sol pour célébrer la vie et la mort. On estime qu’il existe plus de 100 types d’aripans.

Le style tantrique des peintures du Mithila réalisées par des hommes

Les prêtres brahmanes maithil ont commencé à peindre le Durga Shaptshati avec des yantras et des mantras, qui sont devenus célèbres sous le nom de peintures tantriques du Mithila. Comme les hommes ne pouvaient pas peindre d’art rituel sur le sol ou de Kohbar sur les murs, ils ont commencé à peindre des dieux et des déesses avec des yantras. Parmi les artistes les plus célèbres de cette tradition, on trouve Batohi Jha, Krishnanand Jha, Bala Dutta, Poonam Jha et Golu Jha.

Les sujets les plus courants dans les peintures tantriques sont Dus Maha Vidya, Dus Avatar, Shri
Yantra, Ashta Lakshmi, Ashta Bhairav, Chausath Matrika, Maha Lakshmi, Maha Kaali, Maha
Saraswathi, avec yantra, Nav Durga, Shiv Shakti, Maha Ganapathi, Shiv Parvati, Kundalini
Jagaran, et bien d’autres sujets directement liés au culte des déesses.

Fig 21- Pnach Mukhi – Mahadev,
Bala Dutta, Acrylique sur papier, 2020
Collection Madhubani Art Centre
Fig 22- Shri Yantra,
Bala Dutta, Acrylique sur papier, 2020
Collection Madhubani Art Centre
Fig 24- Dus Mahavidya, Dus Avatar,
Bala Dutta, Acrylique sur papier, 2020
Collection Madhubani Art Centre
Fig 25 et 26- Dus Mahavidya Part Detail, Batohi Jha,
Pigment sur papier, 1980,
Photo credit OP Roy

Traduction : Emilie Cheyroux

Adaptation: Claire Chavaroche

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