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Dhāraṇā

Dhāraṇā est la concentration. C’est la fixation du mental sur un seul objet, liée à la fixation du souffle. Les deux sont liées. Vyāsa dit d’ailleurs dans son commentaire au Yogasūtra 2.52 que dhāraṇā est réalisée par la maîtrise du souffle. «Là où le manas s’absorbe, le prāṇā se résorbe. Là où le prāṇā se résorbe, le manas s’absorbe.» dit aussi la Haṭhapradīpikā (4.23).

La Śāndilya Upaniṣad (34) souligne et précise: «Par la contemplation pendant longtemps de l’ākāśa qui est dans le cœur, et par la contemplation de l’esprit libre de vāsanas, alors les fluctuations de prāṇa cessent. Par ces méthodes et diverses autres suggérées par la pensée et par le contact des nombreux guides (spirituels), les fluctuations cessent. »

La concentration dhāraṇā, se développe, étape après étape. Lorsque les fluctuations cessent, on atteint un état serein et pur. Pour atteindre cet état serein et pur, et avant de finalement se concentrer sur la Dhāraṇā suprême, la concentration peut se faire d’abord sur certaines parties du corps. Puis on portera l’attention sur un chakra, roue d’énergie dans le corps, un des sept lotus, sur la lumière à l’intérieur d’un des sept lotus, par exemple. L’attention peut aussi être fixée sur une forme divine, soit dans le corps, soit en dehors. On peut visualiser la forme de sa divinité de prédilection, Iṣṭa-devatā, dans un lotus ou en dehors de notre propre corps.

« Lotus » par Adam Heyman

Le yogin, ou la yogini, doit avoir une posture «stable et confortable». On développe la concentration, puis on se laisse couler dans la méditation, Dhyāna et l’enstase, Samādhi. Le mental se vide de ses fluctuations, comme les vagues de la mer se calment, puis parvient à l’arrêt de la pensée et arrive à la coalescence (Samāpatti) qui l’ouvre au plan divin. L’enseignement des Yogasūtra est très précis sur ces différentes étapes.

La cessation des fluctuations du mental est la source de la force mentale. On apprend à garder l’esprit fixé sur l’objet choisi, c’est à dire qu’il faut acquérir, par la pratique régulière et fréquente, la faculté de garder le mental non perturbé dans la contemplation d’un objet choisi. C’est le yoga. Et il existe différentes formes de yoga selon la nature de l’objet contemplé et le degré de fixation . Notre faiblesse mentale est notre incapacité à rester fixé sur notre intention. Lorsque les fluctuations du mental sont dépassées, nous sommes capables de rester fixé sur nos intentions et alors nous sommes doués de pouvoir mental. La tranquillité s’accroît et cette faculté aussi. La tranquillité s’approfondissant, c’est le Samadhi .

Pour développer la capacité d’arrêter à volonté les fluctuations ou les modifications de l’esprit, la pratique doit être très régulière et faite, c’est un point très important, dans un esprit de renoncement, cette pratique étant faite dans le but d’atteindre la Libération. 

Nous développons l’art de garder une seule idée en tête et fermons la porte à toute autre pensée, ce qui permet l’arrêt des fluctuations du mental, ou de ses modifications. 

illustration par Adam Heyman

Voici une très belle proposition de Dhāraṇā, dans le Vijnana Bhairava Tantra (traduction Lilian Silburn, 1983) :

« śrī bhairava uvāca / ūrdhve prāṇo hyadho jīvo / visargātmā paroccaret / utpattidvitayasthāne / bharaṇādbharītā sthitiḥ // 24 //

 Bhairava répond: Il faut exercer une poussée ascensionnelle sur la Suprême (Energie) formée de deux points (visarga), que sont le souffle expiré, en haut, et le souffle inspiré, en bas. La situation de plénitude (provient) de ce qu’ils sont portés (ou maintenus) sur leur double lieu d’origine. »

Prāna va du coeur au dvādaśānta extérieur, puis apāna (ou jīva) va du point à douze doigts du nez( dvādaśānta) au coeur. Le dvādaśānta est à douze doigts du nez. C’est le point où le souffle disparaît.

Mais chez le yogin, lorsque le souffle est devenu subtil et que le prāna est manifeste, le souffle-énergie pourra prendre la voie qui monte, susumnā.

On reporte les instructions de Swami Lakshmanjoo sur le site que lui dédie John Hughes ( site Lakshmanjoo academy) :

«Ūrdhve, vous devez prendre le souffle [hors] du cœur à dvādaśānta, et le prendre dans dvādaśānta à nouveau au cœur, et réciter prāṇa et jīva. « Réciter prāṇa » signifie réciter « sa », la lettre « sa », et « réciter jīva » [signifie réciter] la lettre « ha ».

Et, dans ces utpatti dvitaya, dans ces deux points de départ, vous devez réciter visarga («ḥ») et «ṁ»-kāra. Le visarga de «sa» sera récité dans le dvādaśānta extérieur, et le «ṁ»-kāra de «ha» dans le coeur.

Lorsque vous prenez votre souffle à l’intérieur, il se termine par « ṁ »; lorsque vous le retirez, il se termine par visarga (« ḥ »), « saḥ ». Et, dans ces deux points de départ, si vous vous concentrez, vous deviendrez un avec Bhairava en raison de sa plénitude. C’est āṇavopāya. »

Nous entrevoyons entre ces deux points de vue, du Sāṃkhyayoga et du Shivaïsme du Cachemire, la puissance de la concentration et du souffle. Nous développons l’art de garder une seule idée en tête et de fermer la porte à toute autre pensée, ce qui permet l’arrêt des fluctuations du mental, ou de ses modifications. La magie du souffle et la grâce prennent alors le relais.

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