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Le calendrier lunaire Panchāng

Aux origines de l’astrologie jyotiṣa et des célébrations qui font vibrer l’Inde se trouve le calendrier soli-lunaire, ou Panchāng. Panch signifiant cinq; Ang: membre. Soli pour Soleil, représentant l’Atman, l’âme, le Père céleste et le Soi . Lunaire, associé à la Conscience; la Mère céleste, l’astre de l’esprit émotionnel.

Les 5 membres constituants ce calendrier sont les nakṣatras (27/28 astérismes lunaire), les tithis (les 30 jours de lune) voir l’article sur les cycles lunaires: Le cycle lunaire et les dieux – vāhana वाहन (revueyoga.fr), les karaṇas (les 56 moitiés d’un tithi), les yogas (les 27 combinaisons du soleil et de la lune) et les vāras (les 7 jours de la semaine).

L’année sidérale

Une saura māna varṣa, ou année sidérale solaire, est le temps pris par le soleil pour orbiter autour de la terre et revenir au point de départ par rapport aux étoiles fixes (nakṣatras). Le point de départ est considéré comme la position du soleil lorsqu’il est en opposition avec l’étoile chitrā (Spica). L’arrivée du soleil dans le signe du bélier (opposé au signe de la balance et à l’étoile chitrā ) est Mesha Sankranti, le début de la nouvelle année solaire.

Pourquoi chitrā ? Placée à 23.20 vierge – 6.40 balance, cette étoile est la plus brillante du ciel et sert ainsi de point de référence au calcul de l’ayanamsha (calcul de la précession des équinoxes). L’année lunaire commence quant à elle à la nouvelle lune du mois de chaitra ou phalguna, annonçant aussi les festivités de Chaitra Navaratri.

Les solstices

L’année se divise ensuite en deux périodesCes périodes sont définies en fonction des solstices. Le temps pris par le soleil pour passer du solstice d’hiver au solstice d’été est connu sous le nom d’uttarāyaṇa, et le temps pris par le soleil pour passer du solstice d’été au solstice d’hiver est appelé dakṣiṇāyana. En raison de l’inclinaison axiale de la terre, le soleil semble se déplacer vers le nord du tropique du Capricorne au tropique du Cancer pendant uttarāyaṇa, et vers le sud du tropique du Cancer au tropique du Capricorne pendant dakṣiṇāyana. 

Le temps pris par le soleil pour passer de l’équinoxe d’automne à l’équinoxe de printemps est désigné comme pitṛyāṇa. En raison, une nouvelle fois, de l’inclinaison axiale de la terre, le soleil semble être dans la sphère céleste nord pendant devayāna et la sphère céleste sud pendant pitṛyāṇa. La sphère céleste nord est consacrée aux dieux (deva) et la sphère céleste sud est consacrée aux ancêtres (pitṛ). Devayāna et pitṛyāṇa ne sont plus des outils actifs du calendaires aujourd’hui mais forment la base du pitṛpakṣa.

Le moment où le soleil transite du nord vers le sud de la sphère céleste est considéré comme le début du jour des ancêtres. Ce moment est considéré sacré, nécessitant l’accomplissement de rites religieux spéciaux. La plupart des années, ce transit se produit pendant bhādrapada māsa kṛṣṇa pakṣa (selon la tradition amānta) / ashvina māsa kṛṣṇa pakṣa (tradition pūrṇimānta). Ce mouvement céleste annonce la quinzaine destinée aux ancêtres : pitṛpakṣa. 

Le mois lunaire ou cāndramāsa

Une année est composée de 12 mois lunaire ou cāndramāsa. Un mois lunaire correspond soit au temps pour la lune de traverser l’ensemble de ses 27 maisons lunaires (27.3217 jours pour un mois sidéral), ou bien au temps entre la nouvelle lune et la suivante: amānta, ou de la pleine lune à la suivante: pūrṇimānta, environ 29.5306 jours en mois synodique. Ce dernier système étant plus communément utilisé. 

amāvāsya (nouvelle lune)
kṛṣṇa pakṣa (phase de lune sombre comprenant 15 jours de lune ou tihti)
śukla pakṣa (phase de lunaire croissantede 15 tithi)
pūrṇimā (pleine lune)

Le système amānta est suivi particulièrement dans les régions du Bengal, Odisha, Tamil Nadu et du Kerala. A l’inverse, les régions du Gujurat, Karanakata, de Goa ou encore du Rajasthan suivent le système pūrṇimānta. Les mois sont nommés d’après le nakṣatras (astérismes ou maisons lunaire) dans lequel la Lune se trouve (ou presque) lorsque celle-ci est pleine.

nakṣatrasmāsamois grégoriensṛtu ou saisons
ChitrāChaitrami-mars / mi-avrilVasanta (printemps)
ViśākhāVaisākhami-avril / mi-maiVasanta (printemps)
JyeṣṭhāJyaishthami-mai / mi-juinGrīṣma (été)
Pūrva ĀṣāḍhāĀshādami-juin / mi-juilletGrīṣma (été)
ŚravaṇaShrāvanami-juillet / mi-aoûtVarṣā (pluies)
Pūrva BhadrapadāBhādrapadami-août / mi-septembreVarṣā (pluies)
AśvinīAshvinami-septembre / mi-octobreŚarada (automne)
KṛttikāKārtikami-octobre / mi-novembreŚarada (automne)
ĀrdrāMārgasirsami-novembre / mi-décembreHemant (hiver)
PuṣyāPaushami-décembre / mi-janvierHemant (hiver)
MaghāMāghami-janvier / mi-févrierŚiśira (hiver long)
Pūrva PhalgunīPhālgunami-février / mi-marsŚiśira (hiver long)

Les 27/28 nakṣatras sont les constellations ou astérismes védiques au cœur de jyotiṣa, mentionnées dans le commentaire du Kṛṣṇa Yajurveda : le Taittirīya Brāhmaṇa ; ainsi que dans l’Arthavaveda. Uniques à l’astrologie indienne, les nakṣatras sont une part importante de l’astronomie et de l’astrologie védique, utilisées particulièrement en astrologie électorale (autrement appelée muhūrta) ; système permettant de déterminer le jour le plus auspicieux pour se marier, commencer un mantra, ou bien un rituel, débuter un soin ayurvédique et bien plus encore.

Dans la mythologie, les nakṣatras sont reconnues comme les 27 filles de Dakṣa et femmes de Candra, la lune. Chaque nuit, Candra change de femmes en se déplaçant d’une constellation à l’autre. Le 28e nakṣatras est quant à lui associé au frère, Abhijit.

27 ou 28 nakṣatras ?

Il fut un temps ou le choix de 28 constellations était plus pertinent au regroupement en 27 astérismes. Un effet, 7 jours de la semaine multipliés par 4 semaines sont égaux à 28. Un mois lunaire équivalant à environ 27,3217 jours ; le nombre de jours dans le mois était alors auparavant arrondi au supérieur (comme nous l’avons vu précédemment). Le choix d’arrondir à l’inférieur, 27 au lieu de 28, s’explique par la facilité des calculs astronomiques. Un arc de 27 divisé également en 360° donne : 13°20’ par nakṣatras, 28 divisé par 360° = 12°51’26.

La division en 27 constellations facilite aussi l’attribution des navagraha (9 planètes) aux constellations (27/9 = 3). Abhijit fut donc mis de côté afin de ne pas perturber la standardisation à 27 constellations mais reste ponctuellement utilisé en astrologie muhūrta. Il s’insère entre les astérismes Uttara Āṣāḍhā et Śravaṇa. Les 27/28 nakṣatras sont indissociables à la bonne compréhension du panchang et des célébrations. Ces astérismes portent en elles une énergie, shakti, reflétant les influences subtiles autour de nous.

1अश्विनीAśvinī0°0′ Bél– 13°20′ Bélβ et γ Arietis
2भरणीBharaṇī13° 20′ Bél – 26°40′ Bél35, 39, et 41 Arietis
3कृत्तिकाKṛttikā26°40′ Ari – 10°0′ TauPleiades
4रोहिणीRohinī10°0′ Tau – 23°20′ TauAldebaran
5मृगशीर्षाMṛgaśīrṣā23° 20′ Tau – 6° 40′ Gemλ, φ Orionis
6आर्द्राĀrdrā6° 40′ Gem – 20°0′ GemBetelgeuse
7पुनर्वसुPunarvasu20°0′ Gem – 3°20′ CanCastor and Pollux
8पुष्याPuṣyā3°20′ Can – 16°40′ Canγ, δ et θ Cancri
9आश्लेषाĀśleṣā16°40′ Can – 30°0′ Canδ, ε, η, ρ, et σ Hydrae
10मघाMaghā0°0′ Lio – 13°20′ LioRegulus
11पूर्व फल्गुनीPūrva Phalgunī13°20′ Lio – 26°40′ Lioδ et θ Leonis
12उत्तर फल्गुनीUttara Phalgunī26°40′ Lio – 10°0′ VirDenebola
13हस्ताHastā10°0′ Vir – 23° 20′ Virα, β, γ, δ et ε Corvi
14चित्राChitrā23°20′ Vir – 6°40′ BalSpica
15स्वातिSvāti6°40′ Bal – 20°0′ alArcturus
16विशाखाViśākhā20°0′ Bal – 3°20′ Scoα, β, γ et ι Librae
17अनुराधाAnurādhā3°20′ Sco – 16°40′ Scoβ, δ et π Scorpionis
18ज्येष्ठाJyeṣṭhā16°40′ Sco – 30°0′ Scoα, σ, et τ Scorpionis
19मूलMūla0°0′ Sag – 13°20′ Sagε, ζ, η, θ, ι, κ, λ, μ et ν Scorpionis
20पूर्व आषाढाPūrva Āṣāḍhā13°20′ – 26°40′ Sagδ et ε Sagittarii
21उत्तर आषाढाUttara Āṣāḍhā26°40′ Sag – 10°0′ Capζ et σ Sagittarii
22श्रवणŚravaṇa10°0′ Cap – 23°20′ Capα, β et γ Aquilae
23धनिष्ठाDhaniṣṭhā23°20′ Cap – 6°40′ Versα – δ Delphini
24शतभिषाŚatabhiṣā6°40′ Vers – 20°0′ VersSadachbia
25पूर्व भद्रपदाPūrva Bhadrapadā20°0′ Vers – 3°20′ Poiα et β Pegasi
26उत्तर भद्रपदाUttara Bhadrapadā3°20′ Pois – 16°40′ Poisγ Pegasi et α Andromedae
27रेवतीRevatī16°40′ Pois – 30°0′ Poisζ Piscium
28अभिजितAbhijit6° 40′ Cap – 10° 53′ Capζ et σ Lyra 
(Vega)

Purushottam Mās, une particularité du calendrier védique

L’intelligence du calendrier soli-lunaire indien se trouve dans l’utilisation d’un 13e mois. Les douze mois de l’année sont égaux à environ 354 jours, tandis que la durée d’une année sidérale (solaire) est d’environ 365 jours. Cela crée une différence d’environ onze jours entre les calendriers solaire et lunaire.  Cet écart est compensé tous les 2,70 ans, soit environ tous les 32,5 mois par l’ajout d’un mois supplémentaire ou intercalaire ; afin de garder ainsi ces deux calendriers alignés. C’est le mois purushottama mās ou adhikamāsa. Ce mois est principalement dédié aux mantras, à la méditation, au jeûne et à la charité.

Le Panchāng au quotidien

Les mois se divisent ensuite en semaine, jour de semaine, jour, demi-jour et même heure :

les vāras (les 7 jours de la semaine), les tithis (les 30 jours de lune) Le cycle lunaire et les dieux – vāhana वाहन (revueyoga.fr), les karaṇas (les 56 moitiés d’un tithi), les yogas (les 27 combinaisons du soleil et de la lune) , les horas (heures). Chaque élément sera associé à une énergie, une planète et à certaines actions auspicieuses à réaliser. L’étude et l’analyse de ces indications permettent la planification d’évènements et de rituels.

Rāma, assis sous un arbre, avec Lakshman qui prépare la nourriture et Sita qui confectionne une guirlande de fleurs. (Chamba, fin du XVIIIe siècle. Musée national, New Delhi)

Le Panchāng, divinités et la littérature indienne

Nous retrouvons de nombreuses traces du Panchāng dans la littérature indienne. Les célébrations en l’honneur des divinités comme Rāma Navami en sont un bon exemple. L’anniversaire de Rāma est célébré lors du tithi navami (9e jour de lune), de śukla pakṣa (phase croissante de la lune), du mois de chaitra (mi-mars/mi-avril).

ततो यज्ञे समाप्ते तु ऋतूनां षट् समत्ययुः |
ततश्च द्वादशे मासे चैत्रे नावमिके तिथौ || १-१८-८
नक्षत्रेऽदितिदैवत्ये स्वोच्चसंस्थेषु पंचसु |
ग्रहेषु कर्कटे लग्ने वाक्पताविंदुना सह || १-१८-९

tatoH yajne samaapte RituuNaam SaT samatyayuH
tataH dvaadashe maase chaitre naavamike tithau
nakshatre aditidaivatye swocchasamsheShu panchasu 
graheSu karkaTe lagne vaakpatiH indunaa saha

(Rāmayana,XVIII , 8 et 9)

Ces deux versets indiquent les informations correspondantes à la naissance de la septième incarnation du Seigneur Viṣṇu. De ces śloka, les astrologues ont pu en tirer un thème natal pour le Seigneur Rāma. 

Il est possible de faire de même pour le Seigneur Kṛṣṇa. Selon BV Raman, dans son livre Notable Horoscope, Kṛṣṇa serait née le 19 Juillet 3228 AV JC aux environs de minuit. 

Ces datations laissent place à la spéculation. De nombreux astrologues se sont penchés sur la question, sans pour autant arriver à trouver de consensus sur l’année de naissance de Kṛṣṇa ou de Rāma. Cependant, cela n’affecte pas le choix de Kṛṣṇa Janmashtami, célébration de l’anniversaire du Seigneur.

Kṛṣṇa avec les fils de Vanasura : Scène de la section Aniruddha Usha de Krishna Lila
 (Pahari, XIXe siècle, Cleveland Museum of Art)

Panchāng et célébration

La majorité des célébrations védiques/tantriques correspond donc aux mouvements de la lune: la place de la lune, selon le mois lunaire et le tithi, donne la célébration. Il est alors impossible de donner une date fixe, selon le calendrier Grégorien communément utilisé, pour chaque célébration, car celles-ci dépendent de la position de la Lune; qui n’est pas croissante ou décroissante, pleine ou nouvelle les mêmes jours chaque année. 

Prenons un exemple: Holi (le festival célébrant la victoire du bien contre le mal, de Narasiṃha, avatar de Viṣṇu, contre Hiraṇyakaśipu) se déroule lors de phālguna pūrṇimā (pendant la pleine lune du mois de phālguna) qui s’est déroulé le 18 mars en 2022 mais qui a eu lieu le 7 mars en 2023.

Les deux traditions des systèmes amānta et pūrṇimānta ont aussi conduit à deux façons de dater les festivals. Un autre exemple : Mahāśivarātri tombe le quatorzième jour lunaire de kṛṣṇa pakṣa mois de magha dans le système amānta, tandis que le même jour est exprimé comme le quatorzième jour lunaire de kṛṣṇa pakṣa du mois de phālguna dans le système pūrṇimānta. Les deux systèmes de calendrier soli-lunaire sont donc des façons équivalentes de se référer à la même date.

En conclusion

Sans avoir détaillés les tithi, karana, yoga et vāra qui composent le Panchāng , nous pouvons déjà nous rendre compte de la pertinence de son utilisation, pour tous les amoureux de l’Inde, les pratiquants du yoga, de l’āyurvéda et du jyotiṣa. Les diversités culturelles et régionales qui remplissent l’Inde, transforment ce calendrier et le déclinent en de nombreuses variantes, que l’on doit garder à l’esprit pour saisir la subtilité du Panchāng. Dans tous les cas, les mouvements de la lune et du soleil qui rythment nos journées, mois et années, nous permettent de nous relier à l’éternelle mouvance cyclique de la Vie ; et nous amènent à rendre grâce aux multiples formes du Divin.


Sources :

Notable Horoscopes, B.V Raman, éd. Motilal Banarsidass, 2003. (En anglais)

Représentation du thème de Rama, voir l’article : The Beginner’s Favourite – What Is So Special About Lord Rama’s Chart? – Jothishi (En anglais)

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