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Possédé par les dieux

Dans notre culture moderne, laïque, des déclamations telles que « Je suis Jésus » nous paraissent totalement folles, si bien qu’on croise bon nombre de « dieux », fils de Dieu, Jésus, ou autres « divinités », dans les hôpitaux psychiatriques. En dehors d’un cadre psychopathologique, Le National Geographic avait d’ailleurs recensé dans un reportage de 2017, un certain nombre de communautés et groupes sectaires dont le culte est centré autour d’un homme-dieu, ou « Messie », revenu sur Terre. La plateforme Netflix a également exploité le phénomène, en sortant la série «Messiah», qui fut à l’origine, et c’était prévisible, de bien des controverses. Le sous-continent indien n’a pas été délaissé par ce regain d’intérêt pour les homme-dieux. Si la thématique s’infiltre régulièrement dans les médias indiens depuis de nombreuses années suite à des scandales et crimes attribués à des leaders de sectes, se prétendant incarnation divine, elle interroge maintenant non pas les abus associés à ce phénomène (que nous traiterons dans un article séparément), mais son anthropologie et son « ingénierie » spirituelle suite au succès d’un block buster nommé «Kantara» sorti dans les salles indiennes en 2022. La notion de possession divine traverse les siècles, voir les millénaires, dans la culture hindoue, et elle a suscité et continue encore de susciter, la preuve en est, de nombreuses interrogations auxquelles nous tenterons ici, au moins en partie, de répondre.

Possession et société, la médiation du culte

C’est presque depuis la naissance de l’anthropologie en tant que discipline à part entière des sciences « humaines » que les savants occidentaux s’intéressent aux transes de possession par les « esprits » dans les cultures traditionnelles. Les modèles structuralistes étayés par l’école française suite aux travaux de C. Levi Strauss étudient les rapports entre les liens de parenté, les dynamiques de territoire et les médiations sociales que proposent ces rites communautaires, où un dieu, un esprit ou un ancêtre parle à travers la bouche d’un « medium » et relève voir juge et en-terrine, des tensions communautaires. C’est aussi, globalement, le contexte du film Kantara, où un litige foncier sert de contexte au déroulement du film et à l’intervention d’un esprit « gardien » du village. Cette catégorie d’esprit (bhūta) est d’ascendance divine (daiva), et est constituée en général d’intendants de divinités majeures, comme les gaṇa de Śiva. Parmi les plus célèbres d’entre eux de la littérature pouranique : Nandī, le taureau de Śiva, et Vīrabhadra, le justicier vengeur ayant anéanti la cérémonie de Dakṣā. Il existe une foule innombrable de « bhūtagaṇa », et les villages de l’Inde ont leur gaṇa attitré, comme « kṣetrapāla » c’est à dire « protecteur du champ ». C’est le cas par exemple de Guliga et de Panjurli dans les cultes du Kerala et du Karnataka. Du point de vue anthropologique, cela montre à quel point les dynamiques de territoires, comme de transmission de patrimoines, sont impliqués dans les cultes de possession divine comme l’explique l’anthropologue G. Tarabout : « La possession, néfaste ou institutionnalisée, apparaît comme l’une des scènes où s’explicitent différents rapports de territoire : il s’agit d’une scène « politique » au sens large. » (dans « La possession en Asie du Sud »).

Dans l’hindouisme, une catégorie de divinités, provenant du fond antique des Védas, ont été associées aux « directions » (diśā), en ce qu’elles ont acquis le statut de régence à partir des épopées et des Purāṇa : Indra à l’Est, Kubera au Nord, Yama au Sud, Varuṇa à l’Ouest, etc. Mais direction de quoi ? Directions du champ : le kṣetra. Le champ désigne un espace géographique réel, comme une propriété, un champ cultivé ou un village, autant qu’un espace mythique, et en même temps, le champ est le corps du medium comme l’explique à nouveau G. Tarabout : « Corps divin (du possédé, ou de l’effigie installée dans le temple) et territoire sont en continuité, et peuvent même être perçus comme les manifestations diverses d’une même « forme » (Freeman) ». Si territoire géographique, mythique et anatomique sont en continuité, comme l’expose sans cesse la tradition tantrique, il apparaît également que le kṣetra est aussi un espace de conscience, et plus spécifiquement le « champ de l’expérience psychique » pourrait-on dire, puisque l’organe subtil que les métaphysiciens traditionnels de l’Inde associent au champ, kṣetra, est le « subconscient », citta. Il en découle que ces fameuses divinités gardiennes, qui portent le nom de « kṣetrapāla », sont également gardiennes du subconscient. Elles veillent à établir la justice à l’intérieur même de l’être, et à punir les transgressions, ce qui rappelle sans doute, bien que la référence soit réduite, l’instance du surmoi de la psychanalyse qui est l’internalisation psychique de la Loi. A l’inverse, les entités maléfiques, ou bhūta démoniaques, représentent elles des territoires sauvages, donc de l’ordre du pulsionnel, au sein du psychisme. Le pont entre l’anthropologie des possessions et la psychologie pourrait donc s’établir ici, dans le coin de territoires, que ceux-ci soit à l’échelle d’un corps, d’un village, de l’esprit d’une communauté et de son medium, de celui d’un patient et de son symptôme.

Le regard thérapeutique de l’Ayurvéda

L’opération n’est pas nouvelle, l’articulation entre religion et médecine non plus. C’est sous l’angle thérapeutique que la tradition ayurvédique entends examiner la thématique de la possession divine. Caraka décrit le premier les phénomènes « d’influence » par les « esprits » et les présente à la manière de n’importe quelle autre pathologie. Les influences ont pour cause des chocs traumatiques, guerre, famine, destruction de l’habitat, catastrophe naturelle, ou bien des transgressions éthiques, autant de tabous de la société brahmanique brisés par zèle ou négligence. L’influence en question pénètre dans le système du « malade » comme une ombre qui se dessine sur une pierre polie et réfléchissante. La comparaison fait sens pour qui s’intéresse aux métaphysiques sur lesquelles repose la description de l’appareil psychique : l’Intellect est souvent comparé à un miroir qui réfléchit et détermine à la fois les réalités tangibles et abstraites. C’est donc l’organe psychique qui pour Caraka est parasité, détourné de son autonomie. Il n’emploie pourtant pas le terme classique en vogue à son époque pour désigner la « possession » (āveśa) mais évoque bien l’existence des « bhūta » et évalue leur influence (graha) sur les pensées et comportements de celui ou celle qui en est la victime. De nombreux types d’influence de bhūta sont décrits avec leurs signes associés. Les esprits divins (daiva) « saisissent les personnes de bonne conduite, engagées dans l’ascèse et l’étude ; elles profitent alors de leur point faible. » (CS Chi 9, 21). Il énumère les symptômes des influences d’entités divines : « apparence calme, grave, inébranlable, absence de colère, aucun désir de sommeil ou de nourriture ; rareté des excrétions (sueurs, urine, selles et gaz peu abondants), odeur corporelle agréable, visage épanoui tel une fleur de lotus. » (CS Chi 9, 20). Vāgbhaṭa ajoute : dignité affichée, contentement, obsession de la propreté, des vêtements blancs et des colliers de fleur, une préférence pour des nourritures offertes aux dieux (comme le ghee ou le lait). L’aliéné dit toujours la vérité et dispense ses bénédictions et ses dons. Le tableau clinique a été comparé aux troubles obsessionnels avec résonance religieuse, voir à des affections neurologiques, par les dr. Kshama Gupta et Prasad Mamidi (2018). Suśruta, tout en reprenant une symptomatologie similaire, réfute nettement le terme de possession. Il reconnaît cependant le mécanisme d’influence et précise la nature de ces esprits divins : ce sont les gaṇa, intendants de la suite de Śiva, dont nous avons parlé précédemment. Les symptômes décrits semblent éloignés des frasques, parfois violentes, commises par les participants et participantes des transes décrites par les anthropologues. On s’attendrait notamment à observer des variantes de comportements selon les divinités responsables de l’aliénation, ce qui est particulièrement visible dans les transes de possession collectives impliquant plusieurs divinités , comme dans ce reportage sur la transe au Ghana et au Nigeria.  Vāgbhaṭa finit par discerner quatre formes particulières (viśeṣa) d’aliénation divine qu’il attribue à Śiva (Īśvara), Indra, Kubera et Varuṇa. Harita ajoute au panthéon précédant, les afflictions provoquées par Agni, Yama, Nirṛti et Vāyu. On a bien là une liste en conformité avec celle des divinités gardiennes des directions ou du « champ » : les dikpāla ou kṣetrapāla.

Retour au tantrisme

Les Purāṇa font état de nombreux servants de Śiva partit en croisade contre Dakṣā lors du fameux épisode de la destruction de son rituel sacrificiel. Śiva n’ayant pas été invité à la cérémonie organisé par le prêtre en chef et père de son épouse Dakṣā, ce qui provoqua le suicide d’honneur par les flammes de sa fille, Satī, envoie ses troupes lui infliger une terrible leçon. A la tête de cette armée, on retrouve Vīrabhadra et à sa suite, d’innombrables gaṇa, mais également les neuf Durgā, de terribles yoginī, les intendants de Gaṇeśa (vināyaka), des « bhairava » (nous reviendrons sur la catégorie), et enfin des kṣetrapāla. Un autre mythe pouranique fait mention de la guerre entre Śiva et le démon Andhakāsura qui convoitait son épouse. Śiva émana alors d’innombrables bhūta en vue de le détruire, qui après la bataille et sa défaite, demeurèrent sur Terre. Ce second mythe, repris dans les tantra explique la persistance des bhūta dans notre monde mortel, la manière dont ils interagissent avec notre réalité humaine, et aussi leur mode de subsistance.

Si le terme générique de bhūta et celui de possession divine (devatāveśa) est repris dans les cultes populaires, la tradition tantrique a développé autour du culte de Bhairava une approche technique du phénomène, et l’a intégré à un parcours initiatique visant à libérer l’adepte des chaînes du monde. Le « samāvēśa », ou « possession régulière » consiste en une adoration continue de la divinité d’élection, ici Bhairava, en vue de substituer les énergies mondaines du pratiquant à des énergies divines et libératrices appelées « rudraśakti ». Le processus est commun à toutes les sādhanā tantriques où sont installées les divinités dans les différentes parties du corps subtils du pratiquant par l’intermédiaire de la pratique des nyāsa. Par le mantra, les vœux (en adéquation avec la mythologie de Bhairava), le tāntrika peut parvenir à un état d’identification à la divinité, une béatitude infinie, et une connaissance de tous les mantra, qui est équivalent à un éveil spirituel. Le processus de possession se lit comme une percée (bheda) des centres d’énergies subtils et n’est pas anodin du point de vue physique si bien que celui qui le vit peut montrer un certain nombre de symptômes comme des convulsions ou des pertes de connaissance. Dans ce contexte, Bhairava dépasse son rôle de gardien du sanctuaire, il est élevé au rang de divinité suprême. Dans le culte śākta, différentes formes de Bhairava gardent les lieux sacrés de la Déesse. D’après la suite du mythe de l’anéantissement de la cérémonie de Dakṣā, avant que Satī ne soit consumée par le feu,

Viṣṇu envoie son disque la découper en plusieurs parties, tel Osiris, chacune d’entre elles tombant sur Terre forme un śaktipīṭha ou sanctuaire de la Déesse. Le mythe se comprends dans les yantra tantriques : les huit bhairava gardent les portes du bhūpura, le carré extérieur associé également aux kṣetrapāla. Ils sont également les compagnons des yoginī et mātṛkā figurées sur des cercles longilignes ou composés de huit pétales. La représentation fait sens : les gaṇa ou bhūtagaṇa, sont les intendants des divinités, on les retrouve donc dans les yantra dans les espaces périphériques. La figure intérieure est la forme de la divinité, et la divinité en Soi, le point central. C’est dans ces coins de l’espace que peut se concevoir à une échelle rituelle dans la géographie d’un village, en analogie avec la géographie sacrée d’un yantra, et la topique psychique, l’idée d’un esprit gardien du champ, que les medium sont sensés pouvoir incarner.

On retrouve Bhairava comme incarnation de tous les kṣetrapāla sous sa forme de Kṣetrapāla Bhairava. Il est à la fois le chef des kṣetrapāla, mais aussi leur essence, et ultimement, l’essence de tous les dieux. Nous trouvons des indications quant à sa nature, spécifiée et suprême dans un hymne où il est mentionné à la fin de chacun des huit versets : le Mahākālabhairavāṣṭakam ou Tīkṣṇa Daṃṣṭra Kālabhairavāṣṭakam. L’hymne est particulièrement rythmée selon l’allitération de sonorités, pratique typiquement tantrique. A chacune de ces sonorités, un aspect de Kṣetrapāla Bhairava, à commencer par sa forme de “génie” (yakṣarūpaṃ), en résonance avec la vibration Yaṃ. C’est elle qui est représentée par les dix directions (daśadiśividitaṃ) et qui fait trembler la terre (bhūmikampāyamānaṃ). L’assimilation des kṣetrapāla aux diśāpāla, c’est à dire les divinités védiques attribuées aux directions au sein de l’espace-champ, qui est aussi celui du subconscient, est ici complète en la figure de Kṣetrapāla Bhairava. Bhairava est ainsi invoqué comme chef des kṣetrapāla. Il est décrit selon une forme courroucée, qui efface les péchés. Il est également identifié à Śiva, puisqu’il est celui qui embrase et réduit en cendre Kāmadeva, le dieu du désir (jvālitaṃ kāmadāhaṃ). Il est de la couleur de la fumée, et irradie tel le Soleil, son aspect est terrifiant. Il est également Seigneur des bhūta (bhūtanāthaṃ), ce qui montre sa place centrale dans les cultes d’exorcisme comme de possession. Enfin, il est la forme vraie de la divinité primordiale : pūrvadevasvarūpaṃ. Cette gradation de qualités et niveaux de réalité propre aux hymnes tantriques montre bien qu’il existe un continuum entre les phénomènes psychiques de possessions et une réalité ontologique moins spécifiée par les noms et formes. Ce constat est d’ailleurs une clef opérative très précieuse pour ce qui est de la résolution des phénomènes de possession considérés comme pathologiques et que les tantra nomment bhūtāveśa. Les possessions incontrôlées peuvent constituer des obstacles dans la percée du disciple vers des réalisations supérieures, au même titre que les siddhi dans le Yoga finissent par ralentir la progression du yogi. Si l’esprit humain est capable de s’identifier à un archétype divin, il est possible également de l’amener au-delà, dans un espace ontologique indifférencié, afin notamment, pour ce qui est de la thérapeutique, d’en prévenir les effets collatéraux sur le plan psychique. Au delà des cérémonies d’offrande et des transes rituelles, il existe donc une véritable « ingénierie énergético-psycho-métaphysique » que les tantrika pratiquent et enseignent, encore aujourd’hui.

Vers le Yoga

L’idée de substituer ses énergies individuelles à celle d’une divinité est aussi présente dans le yoga. Dans le Nātha saṃpradāya, on parle des devatā dans leur yogarūpa : ce sont les neuf nātha. Chacun des neuf maîtres source de la lignée Nātha incarne respectivement neuf divinités. Ādinātha est «vraie forme de la lumière » jyotisvarūpa. Selon les traditions, il peut être non-identifié, ou bien à Śiva dans sa forme primordiale, et à un yogi mythique, maître de tous : il peut être Dattatreya ou bien de manière plus moderne celui qu’on appelle Babaji ou encore Ādiyogi. Il est l’archétype primordial (Ādi), et dans l’expérience mystique, le point à atteindre duquel découle tous les autres. Vient ensuite Matsyendranātha, qui incarne Matsyāvatāra ou bien Māyā elle-même, à savoir la puissance divine d’illusion, qui dans le tantrisme est appelée Mahāmāya, la « grande illusion », la trame sur laquelle se tisse la réalité, qui tantôt nous enferme, tantôt nous donne la grâce de nous en libérer. Gorakṣanātha, son célèbre disciple, est lui vraie forme de Śiva (śivasvarūpa). Il est aussi comme l’énonce son Gāyatrī mantra « śūnya putrā », fils du vide (on peut déceler là des influences bouddhistes). Acalācambhenātha est lui, forme vraie du serpent cosmique Śeṣa, Lakṣmaṇa, Vāyu, ou bien de Hanumān selon les recensions. Cauraṅgīnātha est forme vraie et yoguique de la Lune (Candra). Gajabelīgajakanthanātha est la forme de Gaṇeśa. Santoṣanātha est la forme de Viṣṇu et associé à l’élément feu. Satyanātha est lui, forme de Brahmā. Enfin, Udayanātha, une yoginī, est à la fois forme de Pārvatī et de la Terre (Dharatī). Les listes varient selon les recensions et la géographie dans laquelle s’enracine ces récits. On retrouve par exemple dans les versions marathi neuf fils de Viṣṇu : les navanārāyaṇa, avec Matsyendranātha comme forme d’Ādinārāyaṇa et Gorakṣa comme forme de Hari. Sont également mentionnés dans les listes répertoriées, d’autres yogi et siddha célèbres comme Kāniphanātha, saint patron des charmeurs de serpents et des gitans indiens, ou encore Jālandharanātha dont la légende est narrée dans plusieurs ouvrages du Nord de l’Inde, autant que dans les récits tibétains. Les neuf nātha sont objets de culte dans la tradition Nātha, mais aussi dans le bouddhisme tantrique : la plupart comptent parmi les maîtres tantriques appelés mahāsiddha (dans lignées hindoues, les quatre-vingt-quatre mahāsiddha sont généralement considérés comme les disciples des neuf nātha). Peu importe les listes, l’important est de comprendre la logique de ce « culte » aussi bien dans la littérature que le présent de l’expérience initiatique.

Yogarūpa  peut se traduire par forme yoguique, le concept est donc différent de celui d’incarnation, de « descente divine », ou « avatāra ». En effet, il ne faut pas nécessairement le comprendre à la manière des dix avatāra de Viṣṇu. Chacun des avatāra s’incarne sur Terre dans le but de sauver le monde d’une menace et de rétablir un équilibre, ce qui est la fonction cosmique de Viṣṇu. Ici, les neuf nātha sont neufs divinités incarnées dans des corps d’êtres humains révélés à leur nature divine par le Yoga et devenus maîtres. Ces guru étant d’après la tradition, immortels et installés au-delà du voile des apparences, dans la connaissance divine, s’incarnent à travers les âges dans différentes figures d’enseignants. C’est la raison pour laquelle on les considère comme immortels. Ils apparaissent dans l’expérience mystique de la communauté, du groupe de maîtres et disciples pratiquant en communion. Selon le type et l’étape de l’initiation vécue par les différents protagonistes, différents dieux se révèlent et « s’incarnent » en des êtres humains, révélant ainsi leur présence dans l’expérience intime du pratiquant. Ce ne sont pas les pratiques décrites dans le Haṭhayoga, qui constitue une préparation à ces expériences. Elles relèvent plutôt du Rājayoga, c’est à dire de la geste de la Déesse incarnée dans le corps et la communauté de pratiquants : Kulakuṇḍalinī qui anime les dieux au sein même des corps subtils. En un sens, le Samadhi, qui est le dernier membre et le but visé par le Haṭhayoga, est le commencement du Rājayoga. Il se décline sur plusieurs niveaux. Il faut donc se demander à quel niveau correspondent ces identifications aux divinités qui peuvent produire de surcroît, psychologiquement et socialement, de nombreux effets collatéraux. C. Jung ne disait-il pas que la contemplation directe des archétypes était une expérience paroxystique pouvant faire sombrer l’esprit dans la folie ? On pourrait également se demander ce qui différencie au final le medium, du yogi et du fou, ce qui serait trop long à développer dans cet article.

Le phénomène de possession est donc largement connu de l’Inde, de cultes de village en passant par la médecine et la connaissance mystique, ce qui offre une pluralité des approches. Cela étant dit, la tradition indienne a su garder une certaine cohérence dans ces approches : le culte populaire visible est généralement la face immergée d’un iceberg métaphysique et mystique. Et si l’on attribue à l’occident la paternité des recherches psychologiques sur ces états modifiés de conscience, c’est en oubliant tout l’apport des traditions ayurvédiques et tantriques qui ont su expliquer ces phénomènes selon leur cadre d’application.

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